La Mort n'existe pas

Il devient si rare de poser frontalement la question de l'action directe, à une époque qui n'en a, pourtant, jamais autant eu besoin, qu'un tel film vaut diamant. Il raye la vitre de nos certitudes non-violentes. Et dans ses éclats de verre va venir jouer le visage d'Hélène, son amour, ses convictions, la force de ses doutes. Vue de France, on pense à Sartre, à Camus, à Nathalie Ménigon et à Ulrike Meinhof, on pense aux Soulèvements de la Terre et on toise, du bord de la falaise, ce que la lutte politique transforme et terraforme, dans nos esprits et dans les faits.

Un huis clos puissant dans la forêt d'une tête et d'un corps qui auraient pu — et pourra un jour. Quoi ? Changer ce monde. Mais pour accoucher d'un monde nouveau, pour "manger les riches", il aura fallu enfanter dans la couleur. Ici les monochromes sont bouleversants, vertigineux, ils nous plongent dans une vision du monde tour à tour rouge, verte, dorée. Soudain la bichromie jaillit et aère, elle percute — couleur contre douleur. Parfois monte le polychrome d'un loup qui éclate de fleurs et court déplier la forêt, parfois il faut accepter le conte tragique en niveau de blancs. Cœur du récit, une Hélène grecque est notre Alice au pays du vermeil : le sang coule et recoud, il est le problème et il est la solution, qui sait ?

Félix Dufour-Laperrière signe un film intense et serré où la psyché des personnages ne cesse d'infuser le vivant alentour. Le film en tire sa force, il en tire ses doutes actifs et sa faculté de mouvement. Il en tire sa beauté — à la lisière d'une liberté indécise.

Alain Damasio 

À Charlevoix, au Québec, une poignée d’hommes et de femmes préparent un attentat, ils hésitent : « Pouvons-nous être loyal envers nos idéaux ? » Face à une société qui ne cesse d’accroître les inégalités sociales, les nombreuses réponses à cette question ne semblent leur offrir d’autres alternatives que la violence. Tout le talent de Félix Dufour-Laperrière est de parer cette violence d’une palette de nuances, visuelles et narratives, d’une infinie variété dont l’effet le plus spectaculaire est celui du reflet. Le récit ressemble à une galerie des glaces symbolique dans lequel Hélène, le personnage principal, n’en finit pas d’interroger son propre reflet sous différentes formes, à différents âges afin de trouver une réponse à cette question qui la hante. Le graphisme relève un véritable défi, il ne comporte que 5 couleurs, le blanc, le rouge, le vert, le noir et la couleur or dont les reflets apportent un relief hypnotique à l’ensemble. Si les errements et le chaos sont omniprésents, la mise en scène subtile et envoûtante les transforment peu à peu en terreau indispensable à une vie nouvelle. Un film à ne manquer sous aucun prétexte.

Benoît Chieux