Cartoon forum 2025 : où en est l’animation TV en France ? 

En cette période de crise structurelle, les expérimentations formelles paraissaient moins nombreuses qu’à l’accoutumée, et le nombre de séries à destination des plus petits a effectué un grand retour. Alors qu’on en dénombrait sept en 2024, elles étaient près d’une vingtaine cette année. De même, le nombre de projets de séries destinées aux ados/adultes diminue quelque peu.

Pour les plus petits, signalons déjà deux projets tendres et avec quelques points communs. Porté par Autour de minuit, et réalisé par Claire Grimond sur une idée originale de Françoise Ruscak, Oh, la, la ! s’attarde sur Oliver, quatre ans et demi, et son amie Zélie, une souris dont le quotidien va se transformer en aventures imaginaires avec à la clé une bêtise à réparer sous le regard de parents bien cléments. Fabriquée en 3D, le rendu, impeccable, imite la céramique. En parallèle, et en 2D traditionnelle, Eugène Boitsov et Mor Israeli vont reprendre l’univers de Bérangère Delaporte et Ghislaine Dulier pour Sam et Watson (Piano Sano Films). Cette fois, c’est Sam, 6 ans, accompagné de son chat Watson, qui vont observer et interroger le monde avec un regard poétique et fantastique.

C’est peut-être du côté des spéciaux TV que viennent les formes les plus originales. Destinés à un public familial, Les Frères Zzli et Les Oiseaux électriques de Pothakudi ont figuré parmi les jolis succès de ce Cartoon Forum et possèdent tous deux une dimension politique importante. Le premier projet est produit par XBO et coréalisé par Julie Rembauville et Nicolas Bianco-Levrin. Après Marcel, le Père Noël, ils adaptent un bel ouvrage d’Alex Cousseau et Anne-Lise Boutin dans lequel Anna accueille dans la forêt un vieil ami ours et ses deux compagnons. Mais les villageois, qui détestent les ours, finiront par incendier la maison si accueillante de l’enfant et chasser les trois invités. S’amusant autour de Boucle d’or, ce conte évoque, à hauteur d’enfants, les migrants, la diversité et les préjugés.

C’est également sur le vivre ensemble que s’attarde Sophie Roze dans Les Oiseaux électriques de Pothakudi (les Films de l’Arlequin). Issu d’un livre jeunesse de l’autrice indienne Karthika Naïr, le film s’inspire d’un fait divers dans lequel un village fut privé d’électricité pendant 35 jours afin de protéger un couple d’oiseaux et ses trois œufs avant qu'ils ne partent dans une dimension féérique. Ce spécial TV, entièrement fabriqué en papiers découpés, interroge le respect de la nature autant que notre dépendance à l’énergie.

Les séries adultes semblent s’orienter vers des formes courtes, moins de cinq minutes par épisode, déjà largement éprouvées sur des chaînes comme Arte. La chaine franco-allemande se distingue à nouveau avec Les Mémés et Bienvenue en Happycratie. La première est une adaptation en épisodes de 2 min 30 d’une bande dessinée de Sylvain Frécon que réalisera Julien David pour Caïmans Production. Cette sitcom suivra trois grands-mères veuves aux prises avec le monde qui les entoure. Gouailleuses et amusantes, Lucette, Huguette et Paulette parleront autant de leur libido que des dernières technologies avec à chaque fois un point de vue sur le monde bien trempé. Josiane Balasko, Andrea Ferreol et Yolande Moreau pourraient faire les voix. Avec Bienvenue en Happycratie, XBO s’est définitivement distingué comme l’un des studios importants de cette édition du Cartoon Forum. Tout en marionnettes de laine, cette série documentaire signée Laurène Fernandez prend comme point de départ un terme érigé par les sociologues Edgar Cabanas & Eva Illouz. Elle est allée interroger de nombreuses personnes issues du monde de l’entreprise pour questionner, sur un ton comique tout en restant sérieux, la course effrénée au bonheur ainsi que les nouveaux maux liés au travail.

Et si cette dernière évoque déjà un certain mal-être, c’est également le cas de trois autres séries orientées ados/adultes sur le même format. Beasties et Ça va Clara ? traitent directement de la dépression et de l’anxiété. Produite par Silex Films et réalisée par Lola Lefevre, la première dresse le portrait de Lucie, la vingtaine, à peine entrée dans le monde adulte qu’elle doit retourner vivre chez sa mère, une femme aussi parfaite que source d’angoisses. Sa particularité : elle voit des créatures animales loufoques, colorées et plastifiées lui apparaitre devant les yeux à chaque émotion forte. Dans un univers flashy et bariolé, et avec un humour décapant, elle évoque les peurs du quotidien, la famille, la sexualité, les relations et un monde qui semble de plus en plus en décalage. La seconde, produite par les Valseurs, qui espèrent surfer sur le succès de Samuel d’Émilie Tronche, sera réalisée par Lola Degove à partir de dessins et vidéos en ligne de Clara Kennedy. Cette dernière, sujette à une dépression forte, a pris l’habitude de se mettre en scène aux côtés de sa sœur et de sa mère, personnages hauts en couleurs qui rappellent les protagonistes des documentaires d’Emilie Brisavoine. Dans un style épuré et expressif, elle va reprendre certaines situations afin de faire un pont entre les générations, leurs désirs et leurs incompréhensions dans ce qui sera une forme d’autothérapie.

Moins axé sur le mal-être mental et davantage sur le social, Les Colocs (Sacrebleu) s’intéressent à quatre étudiants fraichement débarqués à Paris obligés de vivre ensemble pour des raisons financières. Sous la forme d’une sitcom, la série éprouve la vie quotidienne et se propose de suivre leurs aventures sur un an avec fêtes, déboires, amours, départs et arrivées. Le style est simple, sans fioriture et porté par Chloé Farr.

Enfin, puisqu’il était impossible d’assister à tous les pitchs et qu’il fallait choisir, le Cartoon Forum étant également un lieu de frustrations, signalons également les échos positifs entendus à propos de trois autres projets. The Ambush (L’Incroyable studio), fable politico-animale et satire de la vie politique à partir d’un babouin corrompu qui vise un second mandat de maire. Ugly Neko Café (Martenitsa Productions), un café animalier au cœur de Kyoto dans lequel les chats sont collants et grincheux, faisant fuir les clients, le tout dans un style proche des animés. Enfin, Les Nimbus (Special Touch), fable écologique au cœur d’une forêt menacée mais dans laquelle vivent de petites créatures avec d’immenses pouvoirs capables de restaurer la balance naturelle entre l’humain et la nature.

 À suivre…

                                                                                                      
Nicolas Thys