Disparition de Marc Boyer

C'est avec tristesse que l'AFCA a appris la disparition soudaine de Marc Boyer, co-fondateur et producteur associé de Lardux Films. Société de production incontournable dans le secteur de l'animation, elle comptait parmi son catalogue des œuvres comme Les Voisins de mes voisins sont mes voisins de Anne-laure Daffis et Léo Marchand, labellisé "L'AFCA s'anime pour..." et valorisé à l'occasion de la Fête du cinéma d'animation 2022, mais aussi de nombreux courts métrages tels que Câline, Je me gratte ou le Césarisé Folie douce, folie dure, tous sélectionnés au Prix Emile-Reynaud. Par cette initiative, il a ainsi contribué à l'émergence d'œuvres singulières et engagées, et a accompagné de nombreux auteur·rices.

Toutes les brèves :  Le monde de l'animation

© Lardux Films

Nous vous partageons les mots de Lardux Films en son hommage.

"Nous avons le chagrin de vous annoncer la disparition de notre ami et compère Marc BOYER, co fondateur de Lardux films, producteur, réalisateur, monteur, chef opérateur, pilier de notre équipe dédiée à la création, au court métrage, à l'animation et au documentaire depuis 1992. Il est décédé brusquement jeudi 2 novembre dans la matinée, dans son lit, chez lui, provoquant la stupeur et un vide qui ne se comblera pas. Il a consacré sa vie au cinéma et particulièrement au court métrage, et c'est le tempérament pragmatique et poétique de cet homme solide, élégant et gentil qui fait que notre groupe a pu exister et surmonter les difficultés qui ont pavé notre vie de producteurs. Notre douleur se mêle à celle de sa femme Karoline, de ses filles Eloïse, Chloé et Olympe, de sa mère Bodil et de sa sœur Pauline, qu'il aimait et choyait tous les jours de sa vie.

Après être passé par le lycée Paul Valéry dans le 12ème, il a commencé ses études de cinéma à Paris 8 - Saint Denis, génial incubateur peuplé de miséreux aux rêves immenses. Là est née une étincelle qui jamais plus ne s'est éteinte en lui, son désir d'expérimenter ce que le cinéma d'animation permettait de faire et d'inventer. Pour cela, nous avions un outil génialissime qui fut notre caméra pendant des années, la Bolex 16mm, dont Marc devint vite un expert. Tout en travaillant sur de nombreux courts métrages dans des équipes image, l'aventure de Marc réalisateur commença donc par la réalisation de pilotes pour une série de programmes courts : les Lardux. Ce personnage de Lardux, peintre raté et bête, filmé en pixilation par le duo Kram et Plof qui le signait allait devenir une série de 30 films, grâce à Patrice Bauchy et Alain Burosse de Canal +. Ce furent nos premières expériences avec des producteurs, calamiteuses, banqueroutières, qui nous firent créer plus tard Lardux Films en nous disant qu'on ne pouvait pas faire pire...

Après avoir réalisé deux courts métrages en pixilation MALVEILLOS, IL EST MINUIT POUPEE en 1992 et Mr FOUDAMOUR en 1994, ce fut le tour de fabriquer les premiers films de nos amis et collègues qui étaient à nos cotés durant toutes ces premières années, Stéphane Elmadjian, Hugues Poulain, Christian Grandman rejoints par Isabelle Chesneau, l'équipe de Lardux Films était née. Marc fut Lauréat de la Fondation Hachette/Lagardère en 1994 puis sous le nom de Kram Reyob, réalisa ensuite PIT PARKER CONTRE L'ARAIGNEE en 1995, l'un des films qui a le mieux marché de Lardux, puis LES BAISERS en 1996 une autre série pixilée et décalée qui n'a pas vieilli d'une ride. Il contribua à faire de Jamel une vedette avec LE MONDE DE JAMEL, magnifiques parodies cinématographiques drôlissimes, toujours pour Canal + en 1997, suivies de CHICHIS CHOUCHOUS ET CHOCOLAT en 2001, une fiction amoureuse et cocasse réalisée avec Jean Philippe Daguerre dans un jardin de Champigny. De réalisateur, Marc devint peu à peu producteur d'autres cinéastes, en parallèle de la réalisation de films de commandes puis beaucoup plus tard, d'un documentaire, SOMMERHUSET en 2011, ou encore une fois l'esprit de famille et la nostalgie de l'enfance étaient sensibles. Tout en alternant l'image, le montage, la réalisation, c'est peu à peu la production qui prit le pas et mena Marc à une vie de producteur qui dura plus de 30 ans. Il était le complice de Jérôme Boulbès, de Joanna Lurie, d'Eric Ledune, de Gilles Delmas, de Doris Buttignol, et plus récemment de Geneviève Anhoury, réalisateurs et réalisatrices dont il a eu la joie de partager le succès en festivals. Producteur délégué de tous les films de Lardux, communiste convaincu, il assumait au sein de l'équipe les prises de décision collectives sur des questions stratégiques et de communication, mais était aussi l'homme de la situation pour toutes les questions de post-production, de montage et de trucages, dans lesquelles il excellait.

Produire des films est au quotidien fait de hauts et de bas, mais que régulaient sa bonne humeur et sa fantaisie qui ne le quittaient jamais. Les souvenirs sont légion. Ils adoucissent la peine car ils sont presque tous remplis de l'amour qu'il témoignait, toujours avec pudeur. Il fut le formateur généreux et râleur de la nouvelle génération des producteurs de Lardux Films, Benoit Ayraud et Hernan Mazzeo. Il était heureux durant les heures de mixage aux côtés d'Adam Wolny, ou d'enregistrement avec Michel Korb, où il ne s'embêtait jamais, tendant les oreilles, et le cœur. Sur un plateau, il était tout entier au film, aux autres, à créer du beau, ou plus simplement à tenir le plan de travail. Une crème.

La vie de Marc était rythmée par les festivals, et chaque année, vous pouviez le voir à Clermont Ferrand ou à Annecy, et son sens de la fête, sa facilité toute danoise à considérer l'autre comme un égal, sa classe, ont accompagné les séances mais aussi les nuits de fêtes qui ont fait de nous une communauté dans laquelle il était heureux d'être, celle du court métrage et de l'animation. Ces temps de festivals étaient des temps entre parenthèses, de rencontres, de partage, de renouvellement de nos passions et de nos amours de cinéma, c'était impensable pour lui de ne pas y être et ainsi depuis la fin des années 80.

Avec Marc toute notre vie de groupe, on a avancé. On s'est retrouvé bloqué des fois, mais on arrivait toujours à avancer. On a écopé, parce qu'on coulait, mais même pendant qu'on coulait, on avançait. Notre métier c'est d'abord une histoire de désir, le désir de porter un projet, de s'engager aux côtés d'une ou d'un artiste, jusqu'à ce que ça existe. Et il a fait ça toute sa vie. Mais Marc n'arrivait pas en disant "j'ai une idée", "j'ai une histoire", il produisait des auteurs qu'il suivait de film en film, tant que l'envie restait réciproque, alors c'était plutôt Jérôme qui appelait, pour un nouveau projet, ou Joanna, ou Gilles. C'était comme une promesse de discuter, de fabriquer, de partager, de fignoler, un nouveau film. Il était heureux. C'était sa vie. Faire le meilleur film possible, à chaque fois.

Lardux Films est amputée de l'un de ses membres. Ce ne sera plus jamais pareil, mais on va tenter de faire vivre encore l'esprit qui a animé Marc et nous anime depuis toujours, celui de faire ce qui nous plait. Cela se résume par une formule devenue un peu notre slogan : special films for special people, films spéciaux pour personnes spéciales, c'est à dire un cinéma qui ne cherche pas à être consensuel, qui existe/résiste aux côtés d'une industrie du divertissement et vise autre chose qu'une cible, un cinéma qui reflète nos passions, nos goûts et nos emportements."

Une cagnotte a été ouverte pour la famille, ces dons lui permettront de faire face aux urgences et à la suite :